Libre échange: l’Union européenne se protège de l’Asie mais s’ouvre aux Etats-Unis

lue-union-douaniereMercredi 14 novembre, le Journal Officiel de l’Union européenne publiait une décision aussi inattendue que bienvenue: la mise en place de taxes provisoires sur les importations chinoises de porcelaines.
Cette décision, instituée par le règlement n°1072/2012 de la Commission européenne, fait suite à une enquête ouverte le 16 février dernier après une plainte déposée le 3 janvier par des producteurs de céramique de l’Union.

Une nouvelle qui semble résonner aux propos tenus par Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur le 30 octobre dernier: « Oui, l’Europe a été naïve. Oui, l’Europe a joué le jeu de l’idéologie ultralibérale« . « Dans ce grand vent ultralibéral, on a cru que nous pouvions ouvrir toutes nos portes et toutes nos fenêtres, sans que les autres fassent la même chose« .

Mais attention: inutile d’y voir là une Europe rebelle en quête de protectionnisme. En réalité, cette décision s’appuie sur une possibilité ouverte dès 1994 par l’Organisation mondiale du commerce (ex GATT).
A coté de cela, le principe de l’ouverture marchand de l’Union européenne progresse toujours plus, comme en témoigne la relance récente du marché transatlantique.

L’accord « antidumping »

Le récent règlement de la Commission, « instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d’articles en céramique pour la table et cuisine originaires de la République populaire de Chine« , permet ainsi la mise en place de taxes allant de 17,6% à 58,8% selon les entreprises chinoises concernées et ce, pour une période de 6 mois.
Cependant, cette décision est pour l’heure provisoire car devra être avalisée par les États membres avant le 15 mai 2013, date de clôture de l’enquête. La France a immédiatement fait connaitre sa volonté de voir ces mesures pérennisées à l’issue de la période provisoire.

Pour mener l’enquête, la Commission a suivi la procédure édictée par le règlement n°1225/2009 du 30 novembre 2009 du Conseil européen. Un règlement venu réformer celui adopté en 2005 conformément à l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994.
Un accord qui régit l’application des mesures antidumping par les membres de l’OMC.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un État membre puisse unilatéralement imposer une mesure antidumping. Ce dernier doit en effet, au terme d’une enquête contradictoire, déterminer:
– l’existence d’un dumping
– l’existence d’un dommage important causé à une branche de production nationale
– enfin, l’existence d’un lien de causalité entre ces deux éléments.

Le dumping est calculé sur la base d’une “comparaison équitable” entre la valeur normale (le prix du produit importé “au cours d’opérations commerciales normales” dans le pays d’origine ou d’exportation) et le prix d’exportation (le prix du produit dans le pays d’importation).
Ainsi, la marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation. Autrement dit, une entreprise exporte un produit moins cher que sa valeur de vente à l’intérieur du pays.

Pour en savoir plus, vous pouvez cliquer ici ou ici.

Cette décision, contrairement à ce que le contexte actuel laisse penser, est loin d’être la première. Parmi les mesures antidumping analogues décidées par l’Union européenne, on peut citer:
– le règlement de  2005 instituant des mesures antidumping sur les
câbles en acier venant de Chine et de Corée,
– le règlement de 2006 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à
dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam,
– le règlement de 2000 concernant les mesures antidumping applicables aux importations de certains types de polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l’Inde.
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En matière de défense des entreprises basées en Europe, il faut également citer les actuels travaux visant à introduire une clause de réciprocité dans l’ouverture des marchés publics. Ainsi, les acheteurs publics européens pourront, après accord de la Commission, exclure de l’attribution des marchés des offres venant de pays où les entreprises européennes font l’objet de  « discriminations graves et persistantes ».
Une réforme dont la mise en œuvre rapide est d’ailleurs réclamée par les membres de la Commission des Affaires européennes du Sénat (proposition de résolution du 6 novembre 2012).

A noter également, dispositif méconnu, qu’en matière de marché public de fournitures, une offre contenant plus de 50% de produits issus de pays tiers peut-être écartée par un acheteur public (article 58-2 de la directive 2004/17).

Le marché transatlantique

Ainsi, si les européens semblent se protéger quelque peu des produits venus d’extrême Orient, ils réclament également la réouverture des négociations visant à la mise en place du grand marché transatlantique.

Lors du dernier sommet, le Conseil européen dit attendre « avec intérêt le rapport final du groupe de haut niveau UE/États-Unis et s’engage[r] à contribuer à la réalisation de l’objectif consistant à lancer, en 2013, des négociations relatives à un accord transatlantique global sur le commerce et les investissements. »

De même, lors de la séance plénière du 23 octobre dernier, les parlementaires européens ont demandé que les négociations sur un éventuel accord commercial avec les États-Unis soient ouvertes en début d’année prochaine.
S’appuyant sur une étude de la Commission européenne, les eurodéputés indiquent « que l’élimination de la moitié de ces barrières et de ces incompatibilités réglementaires permettrait une augmentation du PIB de 163 milliards d’euros d’ici à 2018 des deux côtés de l’Atlantique nord« .

Une petite nuance est néanmoins apportée au sujet du domaine agricole pour lequel le marche-transatlantiqueParlement reconnait que, compte tenu « des produits de très grande qualité » exportés vers les États-Unis, « les obstacles commerciaux non tarifaires et les indications d’origine géographique revêtent la plus haute importance pour le secteur agricole européen« .
Une disposition qui a sans doute toute son importance lorsque l’on se rappelle que la Commission européenne proposait, en 2008, d’autoriser la commercialisation de poulets désinfectés au chlore. Une proposition qui, rejetée le 18 décembre 2008 par les États européens, a fait l’objet d’une plainte des États-Unis auprès de l’OMC (organisation dans laquelle, je le rappelle, les États européens sont représentés de façon unique par l’Union européenne).

La résolution parlementaire a été approuvée par l’ensemble des eurodéputés français de droite et du centre. Tous les socialistes, hormis Françoise Castex, l’ont également validée. Seuls les écologistes, les membres de la Gauche unitaire et les non-inscrits (FN) l’ont rejetée.

Au total, seuls 94 parlementaires (sur 754) s’y sont opposés.

Cette relance du marché transatlantique est d’autant plus préoccupante que les anciens travaux démontrent clairement, qu’à terme, il ne s’agit pas seulement de construire une zone élargie de libre échange, mais bien la construction d’un espace politique unifié.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, je vous livre ci-dessous la radio-conférence de Lior Chamla, ainsi que les différents articles postés sur son blog à ce sujet.

Un accord de libre échange avec le Japon est également en cours de négociation.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]


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