Mécanisme européen de stabilité: de l’hypocrisie des verts et des socialistes

Mardi 21 février, une partie des députés socialistes s’est courageusement abstenue lors du vote sur le Mécanisme européen de stabilité.

Les députés écologistes quant à eux votés contre, après avoir prôné l’abstention pendant plusieurs jours.

Daniel Cohn-Dendit, eurodéputé vert, était même allé jusqu’à qualifier les députés PS d’hypocrites, voyant dans le MES «une des rares choses positives qu’on a pu arracher au Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, et surtout à l’Allemagne».

Sa critique se sera donc retournée vers les députés français de son propre camp.

Parmi les raisons motivant ce refus ou cette abstention, figurait la conditionnalité de l’accès au mécanisme européen de stabilité.

Afin de bénéficier des prêts, le MES fixe en effet des conditions drastiques en matière de discipline budgétaire.

Beaucoup ont, à ce titre, mis en avant un prétendu lien juridique avec le futur Pacte budgétaire (TSCG).

En vérité, les seules contreparties disciplinaires fixées par le Traité MES relève du seul droit de l’Union européenne, c’est à dire au Pacte de stabilité et de croissance.

En tout état de cause, fonder une critique du MES sur le Pacte budgétaire ou le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) relève de la pure hypocrisie de la part du parti socialiste et du parti écologiste.

En effet, les partis n’ont pas démontré, lors de leur vote au parlement européen, leur refus du renforcement de la discipline budgétaire imposée aux Etats. 

Le lien avec le futur Pacte budgétaire (TSCG)

Le MES est lié avec un autre Traité en cours de négociation: le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire.

Le Pacte budgétaire met en place la fameuse règle d’or: principe de l’équilibre des budgets, limitation du déficit structurel à 0,5% du PIB, mise en place d’un mécanisme de correction automatique (sous contrôle de la Cour de Justice européenne). Il réaffirme l’augmentation des compétences de laCommissioneuropéenne.

– un lien non juridique

Le Pacte budgétaire fait l’objet du cinquième considérant du Traité MES. Ce considérant fixe le principe de la complémentarité des deux traités « dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l’Union économique et monétaire ».

Il affirme également que le bénéfice d’une assistance financière dans les conditions prévues par le traité MES est conditionnée à la ratification du TSCG à compter du 1er mars 2013 (date où il devrait entrer en vigueur), mais aussi à l’application de l’article 3 (règle d’or) dudit traité une fois entré en application.

Le lien entre les deux traités est donc uniquement exprimé dans les considérants et non dans les articles du traité instituant le MES. La ratification et la mise en œuvre du TSCG constituent donc une condition politique et non juridique.

Juridiquement, un Etat partie au mécanisme européen de stabilité pourra donc bénéficier des prêts sans avoir forcément pris part ou appliquer le TSCG.

Par conséquent, les députés français, basant leur refus du Traité MES sur un prétendu lien juridique entre le mécanisme et la ratification du Pacte budgétaire, se sont trompés.

C’est le cas des députés issus du Front de gauche. Cependant leur parti, contrairement à leurs homologues socialistes et écologistes, ne s’est pas prononcé en faveur de ce Pacte budgétaire au sein du Parlement européen.

Ainsi, bien qu’erronée, leur position n’en reste pas moins cohérente.

– une position hypocrite

En tout état de cause, cette position relève de l’hypocrisie quand on connait le vote des eurodéputés socialistes et écologistes relatif au Pacte budgétaire.

En effet, lors de la séance parlementaire du 2 février 2012les eurodéputés socialistes (membres de l’alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates) ont une fois de plus brillé par leur courage.

Ils ont tous voté blanc, ne suivant pas la ligne du parti (hormis Stéphane le Foll qui a voté pour, Patrice Tirolien qui n’a pas pris part au vote et Vincent Peillon, seul socialiste à avoir voté contre).

Les membres de l’alliance libre européenne-Les Verts (15 députés, dont Eva Joly, Daniel Cohn Bendit, et José Bové), ont été très partagés: trois députés ont voté « pour », suivant ainsi la ligne du parti; deux députés ont voté contre (José Bové et Catherine Grèze); 7 députés ont voté blanc (trois députés étaient absents).

Les députés français rejettent donc un Pacte budgétaire que leurs collègues eurodéputés, dans leur grande majorité, n’ont pas refusé.

Quant à la volonté socialiste de renégocier ce Traité, elle consiste uniquement à y ajouter un volet croissance, non à remettre en cause les règles de discipline budgétaire.

Le lien avec le Pacte de stabilité et de croissance (PSC)

– un lien juridique

Le deuxième alinéa de l’article 13 du traité MES prévoit que les protocoles d’accord définissant la conditionnalité de l’aide devront être « pleinement compatible[s] avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le TFUE, notamment avec tout acte de droit de l’Union européenne, incluant tout avis, avertissement, recommandation ou décision s’adressant au membre du MES concerné ».

A ce titre, les Etats bénéficiaires des prêts du MES devront respecter les règles établies par le Pacte de stabilité et de croissance (déficit budgétaire limité à 3% du PIB, dette publique limitée à 60%, équilibre macroéconomique, harmonisation des politiques économiques).

– un Pacte de stabilité et de croissance renforcé

Concernant le Pacte de stabilité, vous devez savoir que celui-ci a été largement renforcé à l’automne dernier. Cette modification (communément nommée « Six-Pack ») s’est faite sans l’aval des Parlements nationaux.

Depuis le Six-Pack, les sanctions en cas de déficit excessif ont été largement renforcées et un nouveau cadre de surveillance macroéconomique a été ajouté.

Aussi, la Commission européenne dispose désormais d’un pouvoir de contrôle et de sanction quasi-automatique via la règle de la « majorité inversée« . Pour entrer en vigueur, les décisions de la Commission n’ont plus besoin d’obtenir l’aval explicite du Conseil.

– la position des eurodéputés socialistes et écologistes

Les eurodéputés socialistes se sont opposés au durcissement des volets préventif et correctif du PSC. En revanche, ils se sont abstenus lors du vote du volet « sanction » du cadre de surveillance macroéconomique.

Les eurodéputés ecologistes se sont également opposés au durcissement des volets préventif et correctif du PSC (hormis Monsieur Cohn-Bendit qui a voté blanc). En revanche, ils ont approuvé les volets « prévention » et « sanction » du cadre de surveillance macroéconomique.

Je vous laisse donc le soin d’apprécier l’honnêteté de Madame Eva Joly quand elle déclare « Nous devons remplacer le pacte de stabilité qui est devenu un pacte d’austérité, par un pacte de solidarité ».

A titre informatif, sachez que le 14 février dernier, la Commission européenne a placé la France, ainsi que onze autres Etats européens, sous surveillance pour leur déséquilibre macroéconomique.

 


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