Un pacte budgétaire [trop] dur pour une gauche [trop] molle

Souvenez vous:

Juillet 2011, les français sont en vacances pendant que les parlementaires s’achoppent sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Partout on entend parler de la fameuse « règle d’or ».
Présenté de manière simplifié dans les médias comme l’introduction dans notre Constitution de l’obligation de présenter des budgets annuels en équilibre, le projet de loi était en réalité plus subtile.

Conformément à l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques, inscrit à l’article 34 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008, l’article 1er du projet de loi constitutionnelle prévoyait la création d’une nouvelle catégorie de lois : les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
Ces lois s’appliqueraient sur une période d’au moins trois ans et fixeraient pour chaque année un objectif constitué d’un maximum de dépenses et d’un minimum de recettes s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

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Le Sénat n’ayant pas voté conforme, c’est-à-dire sans modification, le texte, comme le souhaitait l’exécutif, son approbation nécessitait la réunion du Parlement en Congrès à Versailles.
Cette difficulté d’adoption avait conduit au retrait du projet de loi.

Quelle avait été la position de François Hollande?
A l’instar des parlementaires socialistes, Monsieur Hollande s’était opposé à l’adoption de cette réforme constitutionnelle.
Sa proposition: faire voter au lendemain de la présidentielle une loi de programmation qui respectera nos objectifs européens de réduction de déficits.

Déjà à l’époque, je m’étais interrogée quant au sérieux de cette proposition. En effet:
– les lois-cadres d’équilibre des finances publiques visaient les actuelles lois de programmation des finances publiques. Monsieur Hollande ne proposait donc rien de nouveau.
– les lois de programmation des finances publiques sont déjà votées par le Parlement, et respectent, sous contrôle de la Commission européenne, le cadre fixé par le Pacte de stabilité et de croissance. Monsieur Hollande ne proposait donc [vraiment] rien de nouveau.

Bref, la « règle d’or », c’était pas chic. Fallait donc proposer un truc qui existait déjà. Ca fait mieux.

9 décembre 2011: Les États européens s’engagent à renforcer la discipline budgétaire dans le cadre européen

Une mesure retient l’attention: l’instauration d’une « règle d’or ».
Il s’agit d’introduire dans les Constitutions des États signataires:
– le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques,
– une limitation du déficit structurel autorisé (0,5% du PIB),
– la mise en œuvre d’un mécanisme de correction automatique en cas d’écart avec ces objectifs.

Sans attendre Monsieur Hollande, désigné quelques semaines plus tôt comme candidat socialiste, s’oppose au Traité et s’engage, s’il est élu, à le renégocier, jugeant que celui-ci « n’est pas la bonne réponse », ni pour « répondre à l’urgence » de la situation, ni pour « retrouver la croissance. »

Par cette renégociation, il défendra « l’intervention de la Banque centrale européenne, les eurobonds, et un fonds de secours financier« .

S’agit-il de remettre en cause les clauses inscrites lors du Sommet du 9 décembre ou uniquement de les compléter par les mesures mentionnées?

Lorsqu’on l’interroge sur la règle d’or, il renouvelle sa proposition de faire voter une loi de programmation « extrêmement précise sur le retour à l’équilibre de nos comptes à la fin 2017« .

« Je n’ai pas besoin qu’on me dise qu’il faille voter une règle d’or ou pas (…) Je suis dans une logique de transparence, de clarté, de responsabilité ».

Sur le maintien de la règle d’or constitutionnelle donc, le mystère reste entier…
 

30 janvier 2012: les États paraphent la version définitive du Pacte budgétaire

Rien de très nouveau.
La règle d’or est toujours là, même si l’obligation de l’introduire dans un texte constitutionnel a disparu (le texte définitif parle de « de dispositions contraignantes et permanente, de préférence constitutionnelles »).
La croissance n’est présente que par un mot.
L’intervention de la Banque centrale européenne et les eurobonds, si chers à Monsieur Hollande, n’y sont pas.

25 États européens se sont engagés à soumettre ce Pacte budgétaire à la ratification dans leur État respectif.
François Hollande réaffirme pourtant sa volonté de renégocier le Traité.

En France, du fait des prochaines échéances électorales, il est exclu que le Traité soit ratifié par le Parlement avant l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale. De fait, la responsabilité du Traité reposera sur la prochaine majorité.

Ainsi, de nombreuses interrogations persistent quant au devenir du Pacte en cas de victoire de François Hollande à la présidentielle, et surtout, en cas de victoire des socialistes aux législatives.
Par conséquent, lundi 6 mars, Angela Merkel, au coté de Nicolas Sarkozy a appelé la candidat socialiste à respecter les engagements pris par la France.

Renégocier ou simplement compléter? Monsieur Hollande était donc de plus en plus sommé de s’expliquer.

7 mars 2011: la réponse, enfin précise, de Monsieur Hollande

Si le candidat socialiste a toujours l’intention de renégocier le traité intergouvernemental (et ce même si certains États l’ont déjà, dans intervalle de temps, ratifié), François Hollande n’entend pas remettre en question le volet rigueur du pacte budgétaire.
Tout au plus, le candidat entend « préciser » le rôle exact de la Cour de justice de l’Union européenne.

François Hollande veut compléter le traité afin d’y ajouter deux autres principes : la relance économique nécessaire à la croissance et à l’emploi, et un plus grand contrôle démocratique des décisions européennes, par les parlements européen et nationaux en particulier.

Les États signataires accepteront-ils de l’amender? Je m’appuierai « sur des États comme le Danemark ou l’Italie, qui souhaitent des précisions ou des ajouts« 

Comprenez donc que, le « volet » rigueur (ou discipline budgétaire) étant le seul volet du Traité, l’ensemble des dispositions actuelles du Traité ne seront pas remises en cause par le candidat socialiste.

Ainsi, Monsieur Hollande accepte à présent tout haut des règles de discipline budgétaire renforcées, alors même qu’il s’était opposé, il y a quelques mois à peine, à la règle d’or « light » proposée par le gouvernement.

La discipline n’est désormais plus contestée, elle est même affirmée comme une nécessité.

Le débat sur la règle d’or de l’été 2011 n’était rien de moins qu’un faux débat.

Rien de bien surprenant, me direz-vous, pour un candidat qui a soutenu le Traité de Maastricht, le Traité de Constitution européenne ainsi que le Traité de Lisbonne.

Bref, vous l’aurez compris… le changement c’est maintenant!

Sur le Mécanisme européen de stabilité (MES):
Lorsque François Hollande est interrogé sur le risque de mise en péril du MES, dont la ratification sera soumise à l’Assemblée nationale le 21 février, le candidat répond: « Quoi qu’il arrive, celui-ci sera mis en œuvre, car les deux  textes sont déconnectés l’un de l’autre« .
Sur ce point, Monsieur Hollande se fourvoie car l’accès au MES sera réservé aux États ayant ratifié le Pacte budgétaire.

Sur le volet croissance:
Le nouveau secrétaire d’État allemand aux Affaires européennes Michael Link a évoqué la perspective de nouvelles mesures sur la croissance pour accompagner le traité, indiquant qu’il y aura encore quelques décisions complémentaires lors du prochain Conseil européen des 1er et 2 mars.
Nul doute que Monsieur Hollande sera fort attentif à ces ajouts de dernières minutes.

Sources:

– Traité européen : comment Hollande veut renégocier – Le Monde
– L’Europe dans la présidentielle 2012 : le programme de François Hollande – Toute l’Europe
– France/UE: Hollande redit sa volonté de renégocier le traité budgétaire – Romandie


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