Programme de stabilité 2013: le Sénat ne votera pas

Marianne baillonnéeCette semaine a été marquée par la publication par Bercy du nouveau programme de stabilité, ainsi que du programme de réforme, engageant la France auprès des autorités européennes pour les années 2013 à 2017.

Après sa présentation en Conseil des ministres et aux commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat le 17 avril, il fera l’objet d’un débat parlementaire les 23 et 24 avril, avant d’être transmis à la Commission européenne le 30 avril.

Cependant, si depuis 2011, une disposition légale obligeait le gouvernement à transmettre le programme au Parlement, ainsi qu’à y organiser un débat et un vote, cette disposition n’a pas été appliquée cette année. 

Qu’est-ce que le programme de stabilité?

Le programme de stabilité est un document remis chaque année par les gouvernements des pays membres de la zone euro à la Commission européenne.

Cette obligation a été mise en œuvre en 1997 par le règlement instituant le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance. Historiquement, il s’agit donc de montrer à travers ce document comment l’État s’engage à respecter les critères dits « de stabilité » (déficit limité à 3% du PIB et dette à 60% du PIB) pour les quatre prochaines années.

Depuis 2011 (via le « Six-Pack »), ce programme doit être transmis, non plus au mois de décembre, mais au mois d’avril de chaque année. Le Conseil européen, sur proposition de la Commission, remet son avis au cours du mois de juin ou de juillet.

Le programme de réforme indique quant à lui les grandes réformes économiques et sociales envisagées pour les années à venir.

Si ces programmes ne sont pas en soi contraignants pour l’adoption du budget, les recommandations prises sur leur fondement peuvent, en cas de non-respect, justifier des sanctions si l’État est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif.

Pourtant, les parlementaires français ne sont pas associés à la rédaction du programme de stabilité (ni du programme de réforme). Ce dernier est élaboré par le ministère des finances et directement transmis à la Commission.

Je publierai prochainement une synthèse des dits programmes, afin de mettre en avant les différences notables du nouveau document avec celui remis l’an dernier par l’ancienne majorité.

Ce dernier, remis à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy avait alors fait l’objet d’une vive critique de la part des socialistes. Lors de la campagne électorale, François Hollande avait annoncé, s’il était élu, vouloir réunir le Parlement en session extraordinaire, du 3 juillet au 2 aout 2012, afin d’effectuer une présentation du nouveau Programme de stabilité, puis de transmettre ce dernier à la Commission européenne. Ceci n’a pas, à ma connaissance, été effectué.

Un programme de stabilité élaboré sans les parlementaires, pourtant responsables du vote du budget

Le 20 aout dernier, je publiais un article intitulé « Gouvernance économique européenne: les parlementaires français reprendront-ils la main?« . Ce dernier avait pour pour objet notamment le contrôle des programmes de stabilité par le Parlement français.

Je vous en livre ici un court résumé:

1°) En 2000, le gouvernement saisit pour avis le Conseil d’État afin de savoir s’il peut inscrire dans le nouveau projet de loi organique relative aux finances publiques (la LOLF) l’obligation de transmission du programme de stabilité au Parlement.

Le Conseil d’État est sans appel: le programme ne rentre pas dans la catégorie des « actes communautaires comportant des dispositions de nature législatives » dont la transmission est rendue obligatoire par l’article 88-4 de la Constitution. Par conséquent, la transmission imposée des programme de stabilité nécessite une nouvelle réforme constitutionnelle.

Celle-ci ne sera pas effectuée et le débat sera mis de coté pendant 10 ans.

2°) Depuis la modification du calendrier décrite plus haut (« Six-Pack »), les parlementaires semblent avoir pris conscience de l’importance dudit programme sur le « calendrier budgétaire français »

3°) En octobre 2010, les députés communistes déposent proposition de loi constitutionnelle garantissant la souveraineté du peuple en matière budgétaire. Ils proposent d’introduire un nouvel article 88-2: « En matière budgétaire cependant, le Parlement reste souverain. Les institutions européennes ne pourront se prononcer qu’après la délibération des assemblées parlementaires ». Cette proposition a été rejetée a la quasi-unanimité (410 contre, 23 pour), les parlementaires estimant qu’elle remettait en cause la nécessaire et « naturelle » coordination européenne des politique budgétaires.

4°) Depuis un amendement introduit par la Commission des finances du Sénat à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 (adoptée en décembre 2010), le gouvernement est tenu d’adresser au Parlement « au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne […] le projet de programme de stabilité ». Il était également prévu que le Parlement débatte de ce projet et se prononce par un vote.

Ainsi, en 2011, le Programme de stabilité a été pour la première débattu devant le Sénat.

5°) En avril 2011, le gouvernement dépose un projet de révision constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Ce projet est surtout connu, à tort, comme visant à instituer une règle d’or budgétaire. Mais, c’est est moins connu, le projet prévoyait également, via son article 12, d’inscrire directement dans la Constitution les modalités de transmission au Parlement des projets de programme de stabilité.

Le Parlement avait d’ailleurs introduit divers amendements fixant:

– un délai de transmission d’au moins deux semaines avant l’envoi à la Commission européenne,

– une procédure spéciale permettant au Parlement de discuter du projet de programme.

Malheureusement, noyé dans une réforme condamnée par le Parti socialiste, le nouvel article 88-8 de la Constitution n’a pu voir le jour.

Après deux occasions de réforme constitutionnelle manquées, la possibilité offerte au Parlement de débattre du Programme de stabilité relevait donc d’une seule disposition (l’article 14) de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

Cependant, si les parlementaires pouvaient donner leur avis sur le programme de stabilité, ils restaient néanmoins dans l’incapacité de le modifier car ledit document « demeure un acte du seul Gouvernement » (cf. Avis du Conseil d’État en 2000).

Cette année, les prérogatives du Parlement seront encore plus limités car, comme nous l’indique Jean Arthuis, sénateur et vice-président de l’UDI, le débat ne sera suivi d’aucun vote au Sénat.

« Sur le programme de stabilité, qui va être très important, qui nous engage jusqu’en 2018, j’attendais qu’à la suite de ce débat, il y ait un vote. Je viens d’apprendre que la Conférence des Présidents a refusé qu’il y ait un vote. A quoi sert ce débat?« 

Jean Arthuis, 17 avril 2013 sur Public Sénat

Par conséquent, en plus de ne pouvoir ni amender, ni rejeter, le programme de stabilité élaboré par le gouvernement, cette année le Sénat ne pourra même pas indiquer (par un vote non contraignant) son désaccord.

Un comble lorsque l’on sait que le vote était pourtant prévu par l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Cette absence de vote est d’autant plus incompréhensible que ledit article 14 est un des rares a avoir survécu à la réécriture de la précédente loi de programmation par la nouvelle majorité socialiste en décembre 2012. 

 

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

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Pour information, le 23 avril 2013, le nouveau programme de stabilité a été approuvé par l’Assemblée nationale par 297 voix contre 220.
Comme indiqué ci-dessus, les sénateurs n’ont pas eu, quant à eux, l’opportunité de voter.


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