Programme de stabilité 2015 : députés et sénateurs privés de vote, malgré la loi

siege_vide_Assemblee_nationaleDemain, mercredi 15 avril, le nouveau programme de stabilité de la France (2015-2018) sera présenté en Conseil des ministres. S’en suivra une audition de Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, devant les Commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Cette présentation intervient quelques jours seulement avant la suspension de séance dans les deux assemblées, le 22 avril prochain.

Le Programme sera ainsi transmis à la Commission européenne sans avoir fait l’objet d’un débat ni d’un vote en séance publique.

Pourtant, depuis 2011, une disposition légale oblige le gouvernement à transmettre le programme au Parlement, ainsi qu’à y organiser un débat et un vote.

En 2013 et 2014, le Sénat, qui ne rassemble pas une majorité de parlementaires soutenant le gouvernement, avait déjà était privé de vote.

Retour sur cette disposition légale non respectée

Depuis un amendement introduit par la Commission des finances du Sénat à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 (adoptée en décembre 2010), le gouvernement est tenu d’adresser au Parlement « au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne […] le projet de programme de stabilité ». Il était également prévu que le Parlement débatte de ce projet et se prononce par un vote.
Ainsi, en 2011, le Programme de stabilité a été pour la première fois débattu devant le Sénat.

Une réforme constitutionnelle avortée

En avril 2011, le gouvernement dépose un projet de révision constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Ce projet est surtout connu, à tort, comme visant à instituer une règle d’or budgétaire. Mais, c’est moins connu, le projet prévoyait également, via son article 12, d’inscrire directement dans la Constitution les modalités de transmission au Parlement des projets de programme de stabilité.

Le Parlement avait d’ailleurs introduit divers amendements fixant:
– un délai de transmission d’au moins deux semaines avant l’envoi à la Commission européenne,
– une procédure spéciale permettant au Parlement de discuter du projet de programme.

Malheureusement, noyé dans une réforme condamnée par le Parti socialiste, le nouvel article 88-8 de la Constitution n’a pu voir le jour.

L’article 14 de la loi de programmation : une garantie non respectée

Après deux occasions de réforme constitutionnelle manquées, la possibilité offerte au Parlement de débattre du Programme de stabilité relève donc d’une seule disposition (l’article 14) de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 :

A compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote.

Cependant, si les parlementaires peuvent donner leur avis sur le programme de stabilité, ils restent néanmoins dans l’incapacité de le modifier car ledit document « demeure un acte du seul Gouvernement » (cf. Avis du Conseil d’État en 2000).

Cette année, les prérogatives du Parlement seront encore plus limitées car ni les sénateurs ni les députés ne pourront donner leur avis.

Ainsi, en plus de ne pouvoir ni amender, ni rejeter, le programme de stabilité élaboré par le gouvernement, le Parlement ne pourra même pas indiquer (par un vote non contraignant) son désaccord.

Un comble lorsque l’on sait que le vote était pourtant prévu par l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Cette absence de vote est d’autant plus (légalement) incompréhensible que ledit article 14 est un des rares à avoir survécu aux réécritures de la loi de programmation en décembre 2012 (1) et décembre 2014 (2).

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

(1) Article 22 de la LOI n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 : « A l’exception de ses articles 12 et 14, la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est abrogée. »

(2) LOI n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Annexe : « La transmission au Parlement du programme de stabilité : l’article 14 de la loi n° 2010-1465 du 28 décembre 2010 précité est reconduit. Cet article prévoit que le programme de stabilité est transmis et soumis au vote du Parlement […]. »


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