Réforme territoriale: les citoyens perdent le droit de dire « non »

Bulletin vote référendum Alsace
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Les députés ont adopté cette semaine le nouveau découpage régional français.

Outre la Corse et les Régions d’Outre-Mer, le territoire sera désormais divisé en quatorze Régions au lieu des vingt-deux actuelles.

Si cette réforme territoriale a été largement commentée par les personnalités politiques et les médias, un autre élément majeur du projet de loi relatif à « la délimitation des régions et aux élections régionales et départementales »  est malheureusement passé complément sous silence.

Il s’agit de la suppression de tous les référendums locaux à ce jour obligatoires lorsque les assemblées locales souhaitent :
– Modifier les limites d’une Région (1),
– Regrouper plusieurs Régions,
– Fusionner des Départements
– Créer une collectivité unique (fusion des Conseils régionaux et généraux).

Une réforme d’initiative parlementaire

Le projet de loi initial déposé par le gouvernement en juin 2014 ne prévoyait que la suppression de la faculté (jamais utilisée) des Régions de se regrouper  sur la base d’une initiative locale. En revanche, les articles relatifs à la modification des limites régionales ou départementales ou à la création de collectivités uniques étaient maintenus en l’état. Les citoyens conservaient ainsi leur droit d’approbation de ces modifications proposées par leurs collectivités territoriales.

Or, les divers amendements déposés par les Parlementaires ont d’une part, confirmé la suppression de la possibilité de fusion des Régions, d’autre part, ajouté la suppression de la faculté de modifier les limites régionales (2) et enfin, supprimé toutes les obligations actuelles de tenue de référendums locaux.

Il faut rappeler que dès le mois de juillet 2013, trois mois après l’échec cuisant de la consultation référendaire en Alsace du 7 avril, un amendement avait discrètement été déposé à l’Assemblée Nationale, dans le cadre du projet de loi sur la création des métropoles, visant à supprimer la condition de référendum pour les fusions de collectivités. Le texte avait été retiré au mois de décembre 2013 lors de son passage devant la Commission mixte paritaire mais les députés avaient d’ores-et-déjà annoncé leur souhait de revenir sur ce débat lors de l’examen du projet de loi sur les Régions.

Une réforme en contradiction avec les objectifs constitutionnels

Cette obligation référendaire avait été mise en place en même temps que la mise en œuvre de la faculté de regroupement des collectivités grâce à la loi du 16 décembre 2010.  Ce nouveau droit reconnu aux citoyens découlait directement de la réforme constitutionnelle de 2003 par laquelle le législateur avait jugé utile d’autoriser la consultation des électeurs lors de la modification des limites des collectivités territoriales.

Mais ce qui était utile aux yeux du législateur en 2003 ne n’est plus en 2014.

Pour bien comprendre l’état d’esprit des parlementaires français à l’égard de l’expression locale directe des citoyens, il suffit de lire les projets d’amendements déposés.

L’obligation pour la validité du référendum de rassembler au minimum à 25 % des électeurs inscrits ? Inutile selon certains députés : « de nombreux électeurs ne participent pas à ce type de scrutin », de fait, « les modalités d’organisation administrative peuvent tout à fait être mises en œuvre, en leur nom, par leurs représentants élus ».

L’obligation d’organiser un référendum ? Inutile également : « Les élus des territoires concernés peuvent légitimement décider d’une modalité d’organisation territoriale, en application des principes de démocratie représentative».

Lors de son examen en première lecture au Sénat, seul le groupe communiste, sous la voix de Christian Favier, s’est ému et opposé à la suppression des référendums locaux :

« Il est, à nos yeux, tout à fait scandaleux que, au nom de la démocratie, on supprime la possibilité pour les électeurs d’exercer leur droit de vote. Il s’agit pour nous d’un véritable recul de la démocratie locale ! » (4 juillet 2014)

Supprimer les référendums gênants : une mauvaise habitude des élus

Grâce au grand empressement des représentants du Peuple – cumulant très souvent des mandats de conseiller général ou régional – de supprimer l’obstacle référendaire à leur projet de réorganisation territoriale, les citoyens français viennent de perdre en toute discrétion le droit de valider par eux-mêmes les projets de modification territoriale.

C’était pourtant une avancée démocratique appelée par la réforme constitutionnelle de 2003 et répondant aux promesses quotidiennes des élus de plus de « démocratie participative ».

Le texte n’a pas encore été validé définitivement par l’Assemblée nationale mais, depuis, la fin de la première lecture dans les deux assemblées, ces dispositions ne font plus l’objet d’aucun débat.

La réforme alsacienne, objet du référendum raté du 7 avril 2013 (3), devrait donc rapidement voir le jour grâce à ces nouvelles dispositions. Le 22 septembre 2014, les élus des deux conseils généraux et ceux du conseil régional ont adopté trois motions appelant à la création de la collectivité unique d’Alsace.

Cette réforme devrait ainsi rappeler aux souvenirs des français l’épisode du référendum manqué de 2005 où les élus avaient finalement choisi de se passer du consentement direct du Peuple pour la mise en œuvre d’un nouveau Traité européen.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

(1)La modification des limites régionales correspond à la procédure de transfert d’un département de sa région d’origine vers une région limitrophe (procédure dite du « droit d’option des départements »)

(2)Alors que les sénateurs ont voté une suppression des articles  relatifs à la modification des limites régionales et au regroupement des Régions à compter du 31 décembre 2016, les députés ont choisi de mettre fin à leur application du 1er mars 2019.

(3)Le référendum n’avait pas donné à l’approbation du projet de collectivité unique car il avait rencontré un double échec : abstention invalidante dans le Bas-Rhin et 55% de non dans le Haut-Rhin.


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