Sarkozy, Hollande et Bayrou: les traîtres de Lisbonne

Les_traites_europeens_servent_les_interets_de_ceux_qui_les_En ces temps électoraux, j’ai plaisir à raconter qu’en 2005 je votais pour la première fois.
Comment aujourd’hui motiver « la génération 2005 » à glisser son bulletin dans l’urne, quand on voit le sort qui lui est réservé?
Comment comprendre que parmi les candidats à la présidentielle de 2012, trois d’entre eux, classés parmi les favoris, comptent parmi ceux qui ont trahi le peuple français?

En effet, si en 2005, la majorité des français votait contre le projet de Traité constitutionnel européen, trois ans ont suffi aux responsables politiques pour reprendre la main.
Une date doit rester graver dans les esprits: le 4 février 2008, vote de la réforme constitutionnelle par le Parlement réuni en Congrès. Réforme préalable à la ratification du Traité de Lisbonne, petit frère jumeau du  Traité constitutionnel.

Alors que les candidats que l’on dit d’ores et déjà gagnants du premier tour se sont assis sans scrupule sur le vote des français, je dédie cet article à tous les jeunes qui votaient comme moi pour la première fois en 2005, à la France du non qui peine à se rassembler, et plus généralement à tous amoureux de la démocratie.

Sachez, chers concitoyens, que s’il vous arrivait un jour, par mégarde, d’oser stopper ou seulement ralentir le prétendu sens de l’histoire, vos « représentants » choisiront pour vous:

Vous vous êtes opposés à la CED, au traité de Rome et à tous les traités visant à renforcer la construction européenne. Comme le disait Lénine, vous finirez, en matière européenne comme dans beaucoup d’autres domaines, dans les poubelles de l’histoire, comme tous ceux qui nient l’évolution du monde.
Charles de Courson (16 janvier 2008)

2005: la surprise du « non »

Souvenez-vous: 29 mai 2005, les français sont appelés aux urnes pour se prononcer sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

C’est la troisième fois que les français ont à approuver un Traité européen.
En 1972, ils approuvaient l’élargissement de la CEE au Royaume-Uni, à Irlande et au Danemark.
En 1992, le Traité de Maastricht était adopté à une courte majorité (51,05%).
Le troisième référendum sera le référendum de trop: 54,68 % des électeurs votent non à ce que l’on nomme alors communément la « Constitution européenne ».

Véritable séisme politique, les réactions se faisaient alors très pessimistes: « Les Français nous appellent à des remises en cause profondes, rapides, vigoureuses », estimait Nicolas Sarkozy, tandis que pour François Bayrou, le non « sanctionne une gravissime crise française ». Pour François Hollande, ce rejet du Traité signifiait « rejet du pouvoir ».

Les politiques avaient en effet de quoi se remettre largement en question: le 25 janvier 2005, 93% des parlementaires réunis en Congrès approuvaient une réforme constitutionnelle indispensable à la ratification du futur Traité constitutionnel européen… rejeté par 55% des électeurs trois mois plus tard.

Surtout, le non français, suivi du non hollandais, mettait un coup d’arrêt brutal à une réforme ambitieuse des institutions européennes.
Comment comprendre le refus d’un texte qui pourtant constituait un mieux du point de vue institutionnel?… Les français entendaient-ils remettre en cause la construction européenne dans son ensemble? L’idée a du faire pâlir plus d’un responsable politique.

2008: une réforme parlementaire

Conformément au programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, exerçant alors la Présidence tournante de l’Union européenne, un « Traité simplifié », destiné à dépasser la crise provoquée par le non, est soumis au Parlement français pour ratification.

La classe politique remet donc le couvert: la procédure visant à l’adoption de ce nouveau Traité, signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne, est la même que pour le Traité constitutionnel, si ce n’est que son adoption n’est plus soumise au référendum mais à la simple approbation des députés et des sénateurs.

Comme pour le Traité constitutionnel, la ratification du Traité de Lisbonne suppose une réforme préalable de la Constitution française.

Par conséquent, les parlementaires français devront se prononcer deux fois: la première sur l’opportunité ou non de réviser la Constitution, la seconde sur l’opportunité ou non de ratifier le Traité de Lisbonne.
La première étant nécessaire à la seconde, et la seconde découlant de la première, ces deux décisions appellent donc à un vote cohérent des parlementaires.
A noter cependant que si la ratification du Traité s’effectue à la majorité qualifiée dans chacune des deux Chambres, la réforme de la Constitution suppose l’accord des 3/5 des parlementaires (députés et sénateurs), réunis en Congrès à Versailles.

Comment justifier que ce nouveau Traité ne fasse pas l’objet d’un nouveau référendum? Ou comment justifier l’injustifiable?

HPIM0411Pour défendre le mode d’adoption, et respecter ainsi les engagements pris par Nicolas Sarkozy dans son programme, François Fillon a du s’adonner à un véritable jeu d’équilibriste. Et l’équilibre est d’autant plus difficile que le Premier ministre s’était opposé à l’adoption du Traité de Maastricht.

Selon Monsieur Fillon, le Traité de Lisbonne « n’est plus une Constitution, mais un complément et une amélioration des traités existants. »

Tout d’abord il faut noter que la dénomination du précédent Traité ne lui offrait pas pour autant une portée constitutionnelle. Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel français estimait que les stipulations du traité lui conservent « le caractère d’un traité international » et que sa dénomination est « sans incidence sur l’existence de la constitution française et sa place au sommet de l’ordre juridique interne ».

Ensuite, le Premier ministre indique différents domaines semblant justifier qu’il s’agit là d’un tout nouveau Traité, ne nécessitant pas, par conséquent, l’approbation directe des français: les symboles constitutionnels décriés (drapeau, hymne) ont disparu du nouveau texte, la concurrence libre et non faussée devient un simple moyen, les Parlements nationaux sont renforcés.

L’argumentation ne tient pas plus longtemps que l’indication de ces trois éléments, tant la rédaction du Traité simplifié reprend en réalité l’essence du Traité constitutionnel.

Angela Merkel : « La substance de la Constitution est maintenue. C’est un fait ».
Anders Rasmussen : « Ce qui est bien c’est […] que les éléments symboliques aient été retirés et que ce qui a réellement de l’importance – le cœur – soit resté ».

Lors de la discussion de la réforme constitutionnelle au Sénat, le 29 janvier 2011, trente sénateurs, dont Jean-Luc Mélenchon, ont proposé une réforme visant à ce que la ratification d’un traité contenant des dispositions similaires à celles d’un traité rejeté fasse l’objet de consultation et soit soumise à référendum.
L’inscription de cette réforme dans l’agenda parlementaire a été refusée par la majorité sénatoriale.

Surtout, lors des discussions parlementaires, la majorité s’est attelée à vouloir donner un sens au « non » de 2005.
Pourquoi? Y donner un certain sens, l’interpréter et le réduire, permet ensuite de justifier une réforme et un traité censés répondre aux « principales craintes exprimées par les Français ».
Soit. Mais pourquoi dans ce cas, les français ne sont-ils pas consultés sur les nouvelles solutions proposées, surtout lorsque celles-ci touchent à la souveraineté nationale?

De bien mauvaise foi, Monsieur Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire d’État chargé des affaires européennes, balaye la solution référendaire sous prétexte qu’il s’agirait d’ « un traité modifiant les précédents, sans transfert de souveraineté ni inclusion des symboles supranationaux ».
Quelques minutes plus tard, Rachida Dati, indique pourtant et très justement que « le Conseil constitutionnel a identifié les stipulations prévoyant de nouveaux transferts de compétences au profit des institutions de l’Union

Nous voilà donc devant un Traité dit « simplifié », ayant certes retiré quelques dispositions symboliques et décriées du Traité constitutionnel, modifié à la marge et surtout, reprenant « ce qui avait de l’importance » dans le Traité rejeté. Un Traité qui nécessite une réforme de notre Constitution car il porte atteinte à l’exercice de la souveraineté nationale en prévoyant notamment des passages de l’unanimité à la majorité qualifiée.

Comment dans ces conditions, comprendre que les français n’aient pas été de nouveau appelés à ce prononcer sur ce texte?

Les raisons sont simples et partagées par tous les responsables politiques favorables au Traité de Lisbonne: l’urgence et la peur d’un nouveau refus des français.

La gauche, le centre et la droite: tous unis pour faire avancer l’Europe

Deux petits mois de débats parlementaires auront suffit à faire oublier le « non » français.

Surtout ils auront été l’occasion de constater le formidable consensus qui rassemblait alors le gouvernement, les parlementaires de la majorité, les parlementaires centristes et la plupart des parlementaires socialistes.
Parmi eux donc, les trois candidats dont les programmes sont jugés les plus sérieux par les médias: Nicolas Sarkozy, François Bayrou et François Hollande.

Du coté de Nicolas Sarkozy, rien de bien surprenant. Président de la République, il est le porteur du Traité de Lisbonne et n’a fait que respecter son programme présidentiel.

85660a02-bdf8-11dc-9ef9-cde6a34cd52bDu coté de François Hollande: l’incohérence socialiste habituelle
Voici ce qu’indiquait le programme des socialistes pour les élections législatives de 2007: « Il faut dépasser l’impasse politique et institutionnelle et favoriser la négociation d’un traité institutionnel plus simple, soumis à référendum, pour que l’Europe se fasse avec les citoyens. »
Voici maintenant la position du parti socialiste, exprimée par Monsieur Jean-Marc Ayrault le 16 janvier 2008, au nom des députés socialistes, et suivi à la lettre par François Hollande: « Nous sommes pour le traité, mais nous sommes aussi pour le référendum […]. Dans cet esprit, les députés socialistes voteront le traité de Lisbonne le 6 février prochain mais, pour marquer leur désaccord avec la procédure choisie par le Président de la République, ils déposeront le même jour une motion référendaire soumise au vote. Quant à la réforme constitutionnelle préalable dont nous débattons aujourd’hui, le groupe socialiste s’abstiendra. »
Voici donc, chers lecteurs, une position uniquement guidée par le diktat de la « communication politique »:
– s’abstenir sur une réforme constitutionnelle sous les feux des projecteurs, alors même que l’on approuve l’ensemble des réformes introduites. Donner ainsi l’illusion de l’opposition sans pour autant mettre en danger le quorum de 3/5 nécessaire à la réforme.
– approuver un Traité européen que l’on souhaite pourtant porté au référendum populaire.

Du coté de François Bayrou: l’amnésie bienvenue
Que ne ferait pas le candidat centriste pour redorer son blason?
Le 7 janvier 2012, dans l’émission « On n’est pas couché », François Bayrou déclarait: « Je n’ai pas voté le traité de Lisbonne. » « Pourquoi je ne l’ai pas voté ? Parce qu’il a été adopté en catimini alors que le précédent traité avait été rejeté par référendum et que je m’étais engagé, si j’avais été élu président de la République, à soumettre un texte au référendum, compréhensible par tous les citoyens, pour qu’ils puissent l’adopter ou le refuser en toute connaissance de cause. »
Rappelons donc à la mémoire du candidat qu’il a pourtant bel et bien approuvé la réforme constitutionnelle lors de la réunion du Congrès le 4 février 2008, et que s’il « n’a pas voté » le Traité de Lisbonne le 7 février 2008, c’est uniquement parce qu’il… était absent.

Jean-Luc Mélenchon (à l’époque sénateur) et Nicolas Dupont-Aignan se sont quant à eux fermement opposés à la réforme constitutionnelle ainsi qu’à la ratification du Traité de Lisbonne.

Mes chers collègues, les historiens de demain, comme beaucoup de citoyens d’aujourd’hui d’ailleurs, s’étonneront aussi de l’omerta médiatique, bien organisée, qui interdit de fait dans notre pays tout vrai débat sur ce prétendu « nouveau traité européen ». Car ils n’ignoreront pas, eux, que ce silence dissimule l’une des dates qui restera comme l’une des plus importantes dans l’histoire de notre pays. Une date terrible, où un peuple, contre sa volonté explicite, est condamné par ses représentants à perdre la maîtrise de son destin.
Nicolas Dupont-Aignan (16 janvier 2008)

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]


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