2 mars 2012: signature de la version définitive du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)

Le 2 mars 2012, les chefs d’État ou de gouvernement de tous les États membres de l’UE, à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, ont signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’union économique et monétaire (communément appelé « Pacte budgétaire »).

Le traité entrera en vigueur lorsqu’il aura été ratifié par au moins douze États membres de la zone euro, et les États membres de l’UE autres que les États parties pourront y adhérer.

La date butoir pour l’entrée en vigueur est le 1er janvier 2013. L’objectif est d’intégrer le contenu du TSCG dans le droit de l’UE dans les cinq ans qui suivent son entrée en vigueur.

Compte tenu du calendrier électoral français et de la nécessaire validation des Parlements nationaux, ce Traité fait l’objet d’une médiatisation inédite en matière de réforme de la gouvernance économique européenne.

Et pourtant, sachez que bien loin des débats politiques, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) fait en réalité l’objet d’une importante réforme depuis plusieurs mois. Ces modifications, effectuées dans la cuisine interne des institutions européennes, se font dans l’indifférence générale, alors qu’elles constituent des changements tout aussi importants, sinon plus, que les Traités MES et SCG.

Chronologie :

Lors du Sommet du 9 décembre 2011, les Etats européens se sont engagés dans la négociation d’un nouveau Traité renforcant davantage la discipline budgétaire. Le Royaume-Uni ayant refusé de prendre part à la signature, la voie communautaire a du être abandonnée au profit de la voie intergouvernementale, au grand regret des parlementaires européens.

Lundi 30 janvier 2012, les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont réunis à Bruxelles pour un Conseil informel. Officiellement consacré à la croissance et à l’emploi, ce sommet a surtout été l’occasion de finaliser le fameux Pacte budgétaire, objet de cet article, ainsi que le Traité sur le Mécanisme européen de stabilité.

Quelles sont les principales dispositions du Traité?

Article 1
Si la version provisoire du Traité définissait comme seuls objectifs le durcurcissement de la discipline budgétaire et le renforcement de la coordination des politiques économiques, la version définitive étend ces objectifs aux impératifs de croissance, d’emploi et de cohésion sociale.
Par ces ajouts, les rédacteurs ont entendu prendre en compte les remarques formulées par les eurodéputés lors de la séance du 18 janvier dernier.

Article 2
La rédaction définitive appuie encore davantage la soumission des dispositions du Traité au droit de l’Union européenne.

Article 3
Un article « de substance » selon les termes de M. Juncker. C’est lui qui fixe les principales dispositions ayant trait à la discipline budgétaire.

En effet:

  •  il pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques,
  • la limite du déficit structurel autorisé est portée de 1% à 0,5%. Il s’agit du déficit corrigé des variations conjoncturelles (à ne pas confondre donc avec le déficit nominal).

Deux exceptions à la règle sont posées:
* les circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n’a pas de prise,
* les Etats dont la dette publique est inférieure à 60% du PIB peuvent continuer à avoir un déficit structurel de 1%.

  •  il enjoint les Etats à mettre en place un mécanisme de correction automatique en cas d’écart avec ces objectifs. Ce mécanisme sera défini selon les « principes communs proposés par la Commission européenne » qui, « ne portant pas atteinte aux prérogatives des Parlements nationaux », concerneront « la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi que les institutions nationales en charge de leur application ».
  •  tous ces éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanente, de préférence constitutionnelles. C’est ce qu’on appelle la fameuse règle d’or budgétaire.

A noter que la version initiale du Traité prévoyait l’obligation d’une règle d’or au niveau constitutionnelle, tandis que la version définitive revoit ses ambitions à la baisse. Cette modification relève d’un compromis arraché à l’Allemagne.
Le Luxembourg a d’ores et déjà indiqué que les règles ne seraient pas introduites dans la Constitution mais feraient l’objet d’une loi.

Pour les non initiés au droit public français, ce changement est majeur car modifier la Constitution requière de réunir le Parlement en Congrès, tandis que la transposition via la loi est beaucoup plus souple.

Article 4
L’article précise que les pays ayant un ratio de dette publique supérieur 60% du PIB doivent le réduire chaque année d’un vingtième.

Article 5
Les pays sous le coup d’une procédure pour déficit excessif devront établir un programme de partenariat budgétaire et économique avec la Commission et le Conseil.

Article 6
Les Etats signataires améliorent les informations transmises relatives à leurs émissions nationales de titres de créance. Ils donnent à l’avance à la Commission et au Conseil européen des indications sur leurs plans nationaux d’émission de dette.

Article 7
C’est savoureux! Cet article pose le principe par lequel les Etats signataires s’engagent, par avance, à appuyer les recommandations de la Commission visant un pays dont la monnaie est l’euro qui ne respecterait pas la régle du plafond des 3% du PIB.
Cette obligation de « fidélité à la Commission » n’est levée que si une majorité qualifiée des membres du Conseil ne s’oppose à l’avis de la Commission.
Cet article fait ici directement référence au pouvoir quasi-automatique transféré à la Commission pour l’application des sanctions, via la nouvelle règle de la majorité inversée instituée par la « Six Pack ».

Article 8
La Commission s’engage à présenter aux parties un compte rendu des mesures prises par celles-ci quant à l’introduction des règles budgétaires dans leur législation nationale.
Cette information permettra à l’un (ou plusieurs) des Etats d’engager une plainte devant la Cour de Justice de l’Union Européenne à l’encontre d’un Etat n’ayant pas respecté cette obligation d’introduction dans son droit interne.

A noter que la CJUE ne pourra vérifier que la bonne traduction en droit interne de ces règles, et non leur application.
L’Etat fautif encourera une amende pouvant aller jusqu’à 0,1% de son PIB (soit environ 2 milliards d’euros pour la France par exemple). 

S’il s’agit d’un Etat membre de la zone euro, le produit de l’amende sera reversé au Mécanisme européen de stabilité (sinon, dans le budget général de l’UE).
Les conclusions du Traité indiquent qu’un arrangement sera adopté en mars en ce qui concerne la procédure de saisine de la CJUE.

Article 9
Les parties réaffirment leur volonté de renforcer la convergence économique dans un objectif de croissance et de compétitivité.

Article 10
Le Traité encourage les Etats à recourir à la coopération renforcée « chaque fois que cela est indiqué et nécessaire ».
J’ai eu l’occasion dans un précédent article de critiquer le caractère peu démocratique de ce type de coopérations qui permettent de passer outre la règle de l’unanimité et l’accord des parlementaires nationaux (clause passerelle spécifique).

Article 11
Cet article pose les fondations d’un gouvernement économique européen.
Les Etats s’engagent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu’ils envisagent d’entreprendre soient débattues et coordonnées entre elles. Cette coordination fait intervenir les institutions de l’Union.

Article 12
Des sommets de l’euro (objet de la discorde franco-polonaise) auront lieu en cas de besoin et au moins deux fois par an.

Article 13
Les parlements nationaux et le Parlement européen, via leurs Commissions, sont intégrés dans la mise en œuvre de ce traité.

Article 14
Le traité est ratifié par les Etats selon leurs règles constitutionnelles respectives (à ce titre, l’Irlande devrait convoquer un référendum).
Il entrera en vigueur le 1er janvier 2013 si, d’ici là, 13 Etats membres de la zone euro l’ont ratifié. Sinon, il entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la ratification du 13ième Etat.
Rappelons que 17 Etats sont actuellement membres de la zone euro.
Disposition intéressante et très contestable au regard du droit: les dispositions de l’article 12 (relatif au sommet de l’euro) sont applicables à tous les Etats membres de la zone euro, qu’ils aient ratifié ou non le Traité, dès lors que celui-ci est en vigueur.

Article 15
Le Traité est ouvert à la ratification ultérieure des Etats non signataires (Royaume Uni et République Tchèque).

Article 16
Les dispositions de ce Traité seront intégrées au droit de l’Union européenne (TEU et TFUE) dans un délai de cinq ans, conformément au souhait formulé par les eurodéputés dans la résolution du 18 janvier.

Pour en savoir plus:

– Version définitive du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire

– Retransmission de la cérémonie de signature

– Discours du président Herman Van Rompuy à l’occasion de la cérémonie de signature

– Communiqué de presse


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