Un commissaire européen à l’Assemblée nationale

redingC’était le 15 octobre dernier et c’était une première.

A l’occasion d’un débat spécial « sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances », l’Assemblée nationale réunissait Madame Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et trois présidents de Commission du Parlement européen:
Madame Pervenche Bérès, présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales
Monsieur Pablo Zalba Bidegain, vice-président de la Commission économiques et monétaires
Monsieur Alain Lamassoure, président de la Commission des budgets.

Le gouvernement était également présent, représenté par le Ministre de l’économie, Pierre Moscovici, et le Ministre en charges des questions européennes, Bernard Cazeneuve.

Quelle mouche a donc piqué les parlementaires et doit-on se réjouir de ce regain soudain d’intérêt pour les questions européennes?

Peut-être doit-on y voir un effet collatéral du débat animé sur le Traité budgétaire. Une sorte, pour reprendre les termes de la Commissaire, de « prise de conscience de la nécessité de répondre à la crise à l’échelle européenne ».

Les souverainistes les plus pessimistes y verront les prémisses d’un abandon progressif de la scène politique nationale. Les plus optimistes préféreront constater la volonté des parlementaires français de ne pas se laisser écarter du débat.

En tout cas, cette réunion aura eu le mérite de donner des informations cruciales en matière d’intégration des Parlements nationaux dans la gouvernance budgétaire européenne qui se met en place.
La séance n’avait qu’un seul objectif: débattre précisément des modalités de participation du Parlement français dans la définition des orientations budgétaires européennes.
Pour se faire, les parlementaires entendent bien creuser deux opportunités: inviter l’Europe au sein des hémicycles français et s’inviter au sein des institutions européennes.

Commissaire, eurodéputés, ministres et parlementaires français: tous s’accordent pour dire que la gouvernance économique européenne actuelle est victime d’un déficit démocratique. Pourquoi? Car « l’efficacité dans la prise de décision est toujours passée avant la légitimité démocratique ».
Il convient désormais d’intégrer les représentants de la souveraineté nationale dans les débats budgétaires européens. Une présence dont la légitimité est indiscutable puisqu’il s’agit « de parler ensemble de son budget avant même qu’il n’existe ».

L’Europe au Parlement français

Le projet de loi organique visant à la mise en place de la règle d’or budgétaire appelée par le nouveau Traité a été enrichi par l’Assemblée nationale. Ce projet, désormais entre les mains des sénateurs, prévoit que, dès qu’il y aura des procédures de dialogue économique et budgétaire entre le gouvernement français et la Commission, des débats pourront être organisés au Parlement français.

Plus encore, des propositions, portées non seulement par Charles de Courson (député) mais également par le ministre Cazeneuve, ont exprimées le désir de convier la Commission européenne à expliquer directement la teneur de ses recommandations aux parlementaires français.
Une proposition acceptée par la Commissaire estimant qu’il « faudra développer ces rencontres » mais rappelant tout de même à juste titre aux français que « la participation de la Commission aux débats des Parlements nationaux n’est pas une nouveauté des Etats membres ». La France est en retard en quelque sorte.

Pour autant, cette ouverture du Parlement français aux institutions européennes ne semblent pas suffire aux intervenants: « Le cadre strictement national ne semble pas pertinent ».
La coordination des politiques budgétaires nationales doit donc passer également par la voie communautaire et par l’institution qui l’incarne le mieux: le Parlement européen.

Le Parlement français en Europe

Il s’agit de mettre rapidement en application l’article 13 du tout récent Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UEM (ou Pacte budgétaire) qui prévoit la mise en place d’une conférence interparlementaire rassemblant députés européens et députés nationaux.

Une urgence dont le Parlement français semble bien avoir pris conscience puisque la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a récemment adopté une résolution (portée par Monsieur Caresche) qui appelle à la création rapide de telles conférences.
Ces dernières permettront aux parlementaires nationaux de prendre le pouls dudit « intérêt général européen ». Elles permettront également d’établir un dialogue direct entre les députés nationaux des différents Etats membres.
Elles auront également le mérite de donner une ligne parlementaire claire et préalable à la tenue des Conseils européens et permettront peut-être de dépasser l’opacité qui règne dans la prise de décision lors des Sommets réunissant les chefs d’Etat.

Comment va s’organiser cette intervention parlementaire?

Selon Pablo Zalba Bidegain, le Parlement européen a d’ores et déjà adopté plusieurs initiatives en ce sens:

1/ La mise en place d’un dialogue économique avec le commissaire responsable des affaires économiques et monétaires entre la publication de l’étude annuelle sur la croissance (par la Commission en hiver) et la réunion du Conseil au printemps.

2/ L’organisation d’une « semaine européenne » durant le premier trimestre de l’année 2013 afin de réfléchir avec tous les parlements nationaux sur les thèmes ressortant de l’étude annuelle sur la croissance.

3/ A l’automne, la création d’un débat avec les représentants des Parlements nationaux portant sur les recommandations adressées par le Conseil à chaque Etat et sur les projets de lois de finances.
Ce débat d’automne permettra d’adresser des informations à la Commission pour la définition da la prochaine étude annuelle sur la croissance.

Pour finir cet exposé, il convient de noter que plusieurs questions ont été posées au sujet du « Two-Pack »:
– « Que se passerait-il si le Parlement national, souverain, ne suivait pas nécessairement les recommandations de la Commission européenne sur les projets de budgets nationaux? » (Christian Eckert, rapporteur de la Commission des finances)
– « Si, concrètement, au mois de novembre, la Commission avait un point de vue réservé sur la loi de finances, que se passera-t-il? »
Bref, des questions qui laissent percevoir une certaine inquiétude découlant de l’obligation prochaine de transmission des projets de lois de finances à la Commission européenne.

Ce nouveau règlement, négocié au sein des institutions européennes sans une quelconque participation du Parlement français permet de relativiser rapidement toutes les propositions d’intégration des Parlements nationaux au débat européen que nous venons d’exposer.
Celui-ci sera intégré dans un cadre institutionnel construit sans sa participation. Un peu comme une Constitution qui, certes permet la participation du Peuple, mais sur laquelle il n’aurait pas eu son mot à dire.

Cela met en lumière plus qu’une insuffisance, surtout lorsque l’on prend connaissance de la réponse de la Commissaire aux questions parlementaires.
La Commission donnera seulement son avis sur les projets de budget. En cela, la transmission doit être vécue comme une opportunité d’obtenir un Conseil extérieur. « Il peut toutefois y avoir une exception: en cas de très grand danger, la Commission pourrait exiger la révision d’un plan budgétaire. Mais elle ne pourrait le faire qu’après un vote dans le cadre du conseil ECOFIN. »

Nous voilà donc en présence d’une disposition parfaitement inconstitutionnelle mais dont l’inconstitutionnalité ne pourra jamais être relevée étant donné que les règlements européens sont approuvés sans participation du Parlement français.

Mais rassurez-vous, si un tel véto de la Commission venait un jour à s’appliquer, nul doute que le Commissaire en personne viendrait s’expliquer devant le Parlement français. C’est Monsieur Cazeneuve qui nous l’a promis.

 Voici la vidéo intégrale de la séance: 

 

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