Le contrôle et l’influence des parlements nationaux sur les décisions européennes

AssemblŽe Nationale EuropeAu printemps dernier, le Parlement européen a commandé une étude aux instituts « Notre Europe » et « TEPSA » consacrée au « contrôle démocratique et parlementaires du Conseil européen et des sommets de la zone euro ».
Cette étude, uniquement disponible en anglais, a été présentée le 25 mars dernier à Bruxelles. Le député français Christophe Caresche était présent.

Le think-tank Notre Europe a cependant rédigé trois notes sur le sujet nous permettant de prendre connaissance des résultats de cette étude.

 

Contrôle parlementaire des décisions européennes: une hétérogénéité « naturelle et dommageable« 

Au sujet de la participation à la définition des programmes budgétaires transmis à la Commission européenne, la note reconnait que « les parlements ne disposent pas tous des mêmes moyens pour influencer ces contributions nationales essentielles au processus de coordination« .

Plus généralement, l’institut fait état d’une « grande hétérogénéité des fonctionnements et pratiques des parlements nationaux« . Pour l’institut, cette hétérogénéité « est à la fois naturelle et dommageable: c’est en effet au sein des États membres que le « déficit démocratique » relatif aux affaires européennes est le plus substantiel, dès lors que de nombreux gouvernements peuvent prendre des décisions clés au niveau européen sans que leur action ne soit soumise à un contrôle et à un débat public réels« .

Si « certains parlements ont réussi à établir un contrôle très efficace sur la politique européenne de leur gouvernement », « le contrôle et l’influence de la plupart des parlements nationaux ne s’étendent pas jusqu’à l’action du chef d’État ou de gouvernement de leur pays dans les sommets européens. Ils peinent en effet à exercer sur ces derniers l’emprise qu’ils ont sur les ministres en matière de législation européenne ou d’activité exécutive. »

Parmi les causes de ce manque de contrôle, l’institut explique que les Parlements nationaux restent « très ancrés dans leurs circonscriptions d’origine sur les questions nationales, ils peinent à s’investir dans les structures de coordination au niveau européen ».

D’autre part, il est difficile de contrôler les réunions du Conseil, car celles-ci se déroulent à huit-clos et car le fonctionnement des instances parlementaires n’est pas adapté: « L’examen des projets de directives européennes, avec toute l’expertise requise, dans d’obscures commissions spécialisées, s’accommode mal d’un système de gouvernance fondé sur des sommets de la dernière chance« .
Il existe également un problème de motivation des élus qui n’utilisent malheureusement pas les outils de contrôle mis à leur disposition.
Enfin, « le Conseil européen, pris dans son ensemble, n’est sous le contrôle d’aucune institution politique. Seuls ses membres peuvent être individuellement sanctionnés par leurs parlements respectifs« . Ainsi, « les élus nationaux ont peu de raisons de consacrer leur temps à un dialogue qui ne s’assortit pas de mesures contraignantes« .

 

Les différents modèles de contrôle du Conseil par les Parlements nationaux

L’institut « Notre Europe » a identifié sept types de contrôle parlementaire. Ils se distinguent selon que les réunions sont organisées dans des commission spécialisées ou en séance plénière ou encore selon qu’elles se déroulent avant la réunion du Conseil (ex-ante) ou après cette réunion (ex-post).

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Source « Notre Europe ». Cliquez sur l’image pour l’agrandir

le contrôleur limité:  le parlement national ne se préoccupe guère des réunions du Conseil européen, soit parce qu’il ne dispose que de droits d’intervention limités dans les affaires européennes en général (c’est le cas, jusqu’à présent de la Roumanie et le Luxembourg), soit parce que sa majorité considère que le Conseil européen doit rester la prérogative du Premier ministre (Hongrie).

le contrôle habituel:  les parlements nationaux suivent sensiblement les voies habituelles du contrôle des affaires européennes, à savoir un contrôle ex-ante par une commission spécialisée. Le contrôle ex-post est insignifiant.

l’expert: les commissions des affaires européennes sont actives avant comme après les sommets, mais l’implication en séance plénière demeure réduite.

le « forum public » se situe à l’opposé du modèle de l’expert. Les débats se tiennent en séance plénière, avant et après les sommets de l’UE. L’Irlande en est le seul exemple.

le « contrôleur du gouvernement » correspond à une activité limitée avant un Conseil européen mais à des débats en séance plénière se tenant après. L’objectif est alors d’analyser les résultats de la réunion et plus particulièrement l’attitude du Premier ministre.

– Le modèle du « décisionnaire » est à l’opposé du précédent. L’objectif principal de l’activité parlementaire est en effet de peser sur les décisions prises lors du sommet par le gouvernement plutôt que de les contester après-coup.

– Enfin, le cas danois illustre à la perfection le modèle de l’ « Européanisé »  ; il se présente comme un mélange d’expertise et de publicité, tant avant qu’après les réunions du Conseil européen.

 

 Les recommandations de Notre Europe

La confidentialité des réunions du Conseil doit être compensée par la transparence des activités parlementaires nationales
– Il faut exiger la présence des Premiers ministres – avant ou après les débats sur les sommets, qu’ils soient ordinaires ou extraordinaires, afin de renforcer le retentissement politique des débats; et obliger le gouvernement à répondre aux questions soulevées lors des débats parlementaires – sans se contenter de prononcer un discours.
– Il convient de transmettre aux Parlements nationaux toutes les propositions de textes avant les sommets, y compris les versions préparatoires des conclusions des Conseils européens et de notifier aux commissions de affaires européennes l’avancée des négociations dans les jours qui précèdent la tenue des sommets.
L’information et la consultation doivent tout particulièrement s’appliquer lorsque figure au programme des réunions du Conseil européen la discussion de nouveaux traités comme le TSCG et du MES, tous conclus en dehors des cadres des traités européens. Les Parlements nationaux ne doivent pas être réduits à de simples chambres d’enregistrement.
Le président de la commission des affaires européennes devrait être invité à participer aux réunions interministérielles de préparation d’une session du Conseil européen (à titre d’observateur et avec obligation de confidentialité) et devrait partie de la délégation nationale envoyée au Conseil européen (sans présence physique dans la salle de réunion ni rôle officiel, et sous réserve de confidentialité).

Pour autant l’institut Notre Europe met en garde: l’appel à une renforcement du rôle des parlements nationaux au niveau européen a créé d’importantes tensions entre les eurodéputés et les représentants nationaux « qu’il convient d’apaiser dans les prochains mois« .
Cependant, l’apaisement « façon Notre Europe » ne semble se définir que par le souhait de rassurer des parlementaires européens qui se sentiraient menacés par un renforcement de leurs collègues nationaux: « la participation accrue des parlements nationaux ne saurait en aucun cas être perçue ou utilisée comme un moyen de limiter les compétences du Parlement européen« .

 

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

 

Les trois notes de « Notre Europe »:

– Les Parlements de l’UE et la gouvernance de l’UEM: http://www.notre-europe.eu/media/parlementsgouvernanceuem-bertoncini-ne-ijd-avr13.pdf
– Rôle et place des parlements dans une véritable Union économique et monétaire: http://www.notre-europe.eu/media/parlementsdansveritableuem-deubnerkreilinger-ne-ijd-avr13.pdf
– Parlements nationaux: l’émergence d’un contrôle du Conseil européen: http://www.notre-europe.eu/media/controleparlementaire-hefftlerkreilingerrozenbergwessels-ne-ijd-mar13.pdf


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