L’avis réservé de la Commission européenne sur le projet de budget français

Olli Rehn, commissaire en charge des questions économiques
Olli Rehn, commissaire en charge des questions économiques

Je lis aujourd’hui un article publié vendredi (15 novembre) sur le site Atlantico dans lequel l’auteur s’étonne de la validation des projets budgétaires des Etats par la Commission européenne:

« Pourquoi serait-ce à la Commission européenne de “valider” le budget des États-membres ? En quoi la France peut-elle être encore considérée comme un Etat si elle n’a plus ni autonomie monétaire ni autonomie budgétaire ?« 

Il y a donc encore des français qui découvrent cette nouvelle règle européenne, adoptée au printemps dernier par les ministres des finances et les eurodéputés, et qui oblige les Etats membres à transmettre leur projet de budget à la Commission.

Si de nombreux français ont fait connaissance avec cette nouveauté vendredi, c’est parce que le 15 novembre était la date de rendu des avis de la Commission.

Tout d’abord, il faut noter que cet avis intervient alors que l’Assemblée nationale vient tout juste de terminer l’examen du projet de loi de finances.
Un problème de calendrier qui fera dire aux mauvais esprits que, par le dispositif mis en place, les institutions européennes – et en particulier les gouvernements – considèrent les Parlements nationaux comme de simples chambres d’enregistrement qui ne valent pas la peine d’être invités à la table des débats budgétaires.
Un problème de calendrier que même la Commission touche du doigt dans son avis: « une grande partie du projet de plan budgétaire a été amendée par le Parlement, l’incidence budgétaire de certaines mesures est difficile à chiffrer ou à répartir entre les différentes années« .
De quoi ne pas être optimiste sur le devenir et la qualité de cet examen que la Commission européenne effectuait pour la première fois cette année.

Le projet de plan budgétaire pour 2014

Les commissaires se sont attelés à comparer les objectifs que s’était fixé le gouvernement français dans son programme de stabilité d’avril, les mesures de la prochaine loi de finances ainsi que leurs propres prévisions.

La Commission juge le scénario macroéconomique sur lequel repose le projet de plan budgétaire « globalement équilibré » et « réaliste«  même si elle note la réserve portée par le Haut Conseil des finances publiques relative aux prévisions jugées « optimistes » de l’évolution du marché du travail.

Pour ce qui est de l’année en cours, le déficit public devrait atteindre 4,1 % du PIB, ce qui est conforme aux prévisions de la Commission mais supérieur à l’objectif de 3,7 % fixé dans le programme de stabilité d’avril.
Pour 2014, les autorités tablent sur un déficit de 3,6 % du PIB en tenant compte des mesures décrites dans le projet de plan budgétaire. C’est beaucoup plus que l’objectif fixé dans le programme de stabilité (2,9 %). Les commissaires estiment quant à eux que le déficit public s’élèvera à 3,8 % du PIB l’an prochain.
En matière de recettes, les prévisions de la Commission tablent sur une activité économique moins riche en recettes fiscales.
Selon la Commission, les dépenses publiques (investissement des collectivités locales et salaires des fonctionnaires) seront plus importantes que les prévisions du gouvernement. Aussi, il est reproché à Paris ne ne pas avoir suffisamment défini les mesures relatives à la réduction pdes dépenses de fonctionnement des caisses de sécurité sociale, et notamment du régime d’assurance chômage. La Commission regrette que les négociations entre les partenaires sociaux sur le système d’allocations de chômage, qui étaient censées avoir lieu avant la fin de l’année 2013, elles ont été reportées à 2014.
La Commission n’est pas non plus convaincue par la réduction des subventions de l’État aux collectivités locales dans la mesure où ces dernières ont été autorisées à augmenter temporairement les droits de timbre sur la vente de biens immobiliers.

Concernant la dette, les « projections officielles semblent réalistes à la lumière des prévisions de la Commission« .

En conclusion, la Commission estime que le projet de plan budgétaire est conforme aux règles du pacte de stabilité et de croissance, quoique sans marge.
En revanche, elle est beaucoup plus réservée sur la stratégie du gouvernement pour réduire le déficit en dessus de la barre des 3% avant 2015, date butoir accordée par les institutions européennes – stratégie décrite dans le programme de partenariat remis par le gouvernement. La Commission estime également que la France a peu progressé en ce qui concerne le volet structurel de la dernière recommandation budgétaire émise par le Conseil. Elle appelle la France à exécuter rigoureusement le budget 2014 et à prendre un ensemble significatif de mesures pour 2015, en plus de celles déjà prévues, afin de parvenir aux améliorations du solde structurel recommandées par le Conseil. Enfin, toutes les recettes imprévues devront être affectées à la réduction du déficit.

Le programme de partenariat économique

La Commission regrette que ce programme ne « repose [que] sur des mesures qui, à de très rares exceptions près, ont déjà été mises en œuvre ou sont en voie d’adoption« : « si les réformes déjà adoptées vont dans le bon sens, le déficit excessif ne pourra être corrigé durablement que si des mesures supplémentaires sont prises pour corriger les déséquilibres budgétaires et structurels« .

Voici ci-dessous un extrait des principales réserves émises par la Commission sur la politique économique de la France:

1°) La proposition de réforme des retraites présentée par le gouvernement permettra de réduire le déficit du système de retraite mais pas de le résorber à l’horizon 2020; les régimes des fonctionnaires et des salariés d’un certain nombre d’entreprises publiques devraient en effet encore accuser d’importants déficits à cette date.

2°) L’examen en cours des dépenses publiques n’a donné que peu de résultats pour le moment et on ne sait pas encore dans quelle mesure il se traduira par d’importantes économies.
En outre, une partie des mesures annoncées jusqu’à présent consiste à limiter et/ou à supprimer des exonérations
fiscales et sociales, ce qui augmentera de fait la pression fiscale au lieu de réduire les dépenses.

3°) On ignore également si la réforme annoncée de la décentralisation permettra d’améliorer la coordination entre les niveaux local, régional et national et de réaliser d’importantes économies dans l’ensemble des administrations publiques.

4°) Le programme de partenariat économique fournit peu d’informations sur les mesures destinées à faire face à l’accroissement des dépenses publiques de santé prévu à moyen et long terme.

5°) Les décisions prises récemment par le gouvernement dans le domaine fiscal semblent aller à l’encontre de la recommandation du Conseil du 9 juillet 2013 et jettent le doute sur la stratégie du gouvernement.
Mis à part la modification des taux de TVA décidée en 2012 qui entrera en vigueur en janvier 2014, aucun nouvel effort n’a été entrepris en vue de rapprocher les taux réduits du taux normal.
En ce qui concerne la recommandation du Conseil d’alléger la pression fiscale sur le travail, outre la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi adopté en décembre 2012, le gouvernement s’est engagé à maintenir le coût du travail inchangé en 2014 puis à le réduire les années suivantes, mais aucun détail à ce sujet n’a été fourni à ce jour.
Par ailleurs, les mesures de renforcement de la fiscalité écologique semblent en contradiction avec la suspension de l’écotaxe poids lourds annoncée par le gouvernement le 29 octobre. En effet, cette taxe, qui devait entrer en vigueur en janvier 2014, aurait eu, selon les prévisions, une incidence beaucoup plus importante en 2014 que les mesures figurant dans le programme de partenariat économique.

6°) Dans le domaine des services, aucune réforme ne semble avoir été envisagée pour assouplir les réglementations relatives au commerce de détail. De même, aucune réforme horizontale n’a été engagée pour éliminer les restrictions injustifiées dans les secteurs et professions réglementés (exemple: les notaires).

7°) La réforme annoncée du système ferroviaire ne prévoit pas l’ouverture à la concurrence du transport intérieur de passagers, comme le préconisait la recommandation du Conseil.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

Sources:
Projet de plan budgétaire français et programme de partenariat économique français
Avis de la Commission concernant le projet de plan budgétaire de la France
Analyse du projet de plan budgétaire de la France

Pour élargir le sujet:
Tour d’horizon européen des évaluation des budgets par la Commission


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